– Médecin généraliste en milieu rural
– Lauréat de l’école française d’homéopathie
– Enseignant l’homéopathie uniciste depuis 1991
– Membre du réseau « corps vivant-corps conscient »
Pour les nombreux médecins qui se définissent comme cartésiens, la jonction « corps-esprit » ne coule pas de source :
Il y a les « vrais malades », c’est-à-dire ceux qui présentent une maladie organique (un diabète, une hypertension…) et tous les autres, qui n’ont « rien » et qui se plaignent ! Le but recherché est donc de faire taire leurs symptômes, quel que soit le prix à payer pour y parvenir.
Enthousiasmé par trois année de pratique hospitalière intensive en tant qu’interne (pendant lesquelles je vois toutes sortes de « vrais malades »), j’ouvre un cabinet de médecine générale, et là, je déchante rapidement. Les « vrais malades » sont rares, et « ceux qui n’ont rien et qui se plaignent » représentent la majorité des patients.
Je prescris des analyses et des radiographies pour vérifier que ce n’est pas une « vraie maladie », ensuite quoi faire ? Ce qu’on a appris à la faculté de médecine, et heureusement, toutes les situations sont prévues : pour les douleurs il y a des antalgiques, pour les spasmes il y a des antispasmodiques, pour les inflammations des anti-inflammatoires, pour les dépressions il y a des antidépresseurs… À cette époque, l’anxiété se nomme « spasmophilie » et provient d’une carence en magnésium…
Je me désespère en multipliant vainement les traitements antibiotiques chez les enfants qui souffrent d’otites à répétition.
J’ai l’impression de m’épuiser en vain à remplir un tonneau percé.Tant d’efforts pendant tant d’années pour ça ? J’ai un gros sentiment de découragement. Je suis moi-même migraineux, j’ai des bronchites et des sinusites à répétition, je me soigne comme je soigne mes patients : mal. En fait je ne guéris pas mes patients, je soulage un par un leurs différents organes souffrants avec des traitements symptomatiques sans jamais les soigner dans leur globalité ni aborder les problèmes de fond. Comment le pourrais-je ? Je n’ai pas les outils.
Soudain se produit un événement totalement inattendu :
Un patient « qui n’a rien et qui se plaint » sur lequel mes traitements sont totalement inefficaces revient pour un certificat sportif. Il est ravi : il a consulté un homéopathe et il va parfaitement bien. « Ha ha ha ! » pensais-je intérieurement, « effet placebo ! ». Je suis content pour lui, tout en me disant que puisque c’est un effet placebo, l’amélioration ne va pas durer longtemps (mais en fait elle va durer).
L’événement va se reproduire avec d’autres patients, puis un jour c’est le coup de grâce ! Je soigne un garçon de 12 ans qui présente un asthme grave. Aidé par un pneumologue de renom, je lui donne tout ce qu’il est possible de donner, sans grands résultats : tous les 15 jours je dois aller le voir en visite de nuit pour une injection de cortisone tandis qu’il suffoque. Soudainement, je cesse de le voir et je pense qu’il a changé de médecin. Je le croise dans la rue six mois plus tard et je prends de ses nouvelles :
« je vais bien
– mais avec quel traitement ?
– je ne prends plus rien ».
Je reste interloqué :
« mais vraiment plus rien ?
– oui, j’ai vu un homéopathe qui m’a donné une dose d’Arsenicum et depuis je n’ai plus d’asthme ».
Je reste étonné, et comme il va revenir en consultation pour un certificat, je suis bien obligé de constater qu’il va tout à fait bien. Dire que je suis dans l’inconfort est un euphémisme.
Je décide de jouer le jeu et j’envoie à des confrères homéopathes quelques cas désespérants et les patients guérissent inexplicablement.
Quel dilemme ! Moi qui ait toujours raillé les homéopathes et leurs remèdes qui ne contiennent que du sucre, oserai-je m’inscrire à une école d’homéopathie ?
Pendant la première heure de cours, le jeune allopathe cartésien va passer un sale quart d’heure ! On ne soigne pas des maladies, on soigne des malades, et les maladies ne sont que le moyen de comprendre ce qui se passe à l’intérieur. Lorsqu’on a trouvé le remède qui convient, non seulement la maladie guérit mais le patient se retrouve durablement rééquilibré dans tous les domaines.
J’apprends le concept de globalité :
Comme un instrument de musique désaccordé produit une musique fausse, « l’énergie vitale » désaccordée produit toutes sortes de symptômes, physiques et mentaux, et pour trouver le remède homéopathique qui va corriger cette perturbation dans sa globalité, ce sont les symptômes mentaux qui sont de loin les plus importants : tout le contraire de ce que j’avais toujours appris ! Je découvrirai quelques jours plus tard que non seulement l’homéopathie agit sur les patients « qui n’ont rien » mais qu’elle est d’une efficacité étonnante sur les « vrais malades ».
La chance du débutant va frapper : guérison complète en 48 heures d’un patient qui présentait une péricardite invalidante évoluant depuis trois mois, puis en gardes de nuits, guérison d’une autre péricardite (diagnostic confirmé au cours de l’hospitalisation puis récusé devant la disparition des symptômes en 48 heures) puis d’une pneumonie franche lobaire aiguë chez une femme enceinte refusant l’hospitalisation et les antibiotiques ! Je n’en reviens pas.
Mais la chance du débutant ne dure jamais longtemps et je vais découvrir que pour être efficace, la prescription d’un remède homéopathique doit s’appuyer sur un raisonnement rigoureux et une somme de connaissances qui ne s’improvisent pas. Ce n’est qu’à la fin de mes trois années d’études homéopathiques que je commencerai à obtenir de bons résultats de manière régulière.
Aujourd’hui, lorsque j’essaie d’expliquer à des confrères que des patients présentant une polyarthrite rhumatoïde ou une maladie de Crohn guérissent avec un recul de plusieurs années après la prise d’un remède homéopathique, ils éclatent de rire, exactement comme j’ai failli le faire lorsqu’un certain patient m’a raconté la disparition de ses symptômes à la suite d’un traitement homéopathique, à l’époque lointaine où je pensais que l’homéopathie était une médecine douce à base de plantes fonctionnant uniquement par effet placebo.